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Test : Travis Strikes Again : No More Heroes (Switch)

, par RYoGA

J’aime beaucoup No More Heroes. L’idée de retrouver son héros Travis Touchdown dans un jeu me réjouit, et ce même si ce n’est pas le très attendu No More Heroes 3. J’étais donc très emballé à l’idée de replonger dans l’univers si décalé de Suda Goichi, une sorte de paradis pour gamers portés sur le rétro, plein de rage et de fureur.

Du moins c’est ce que l’on pensait croiser en mettant les mains sur Travis Strikes Again, un spin-off à la conception et aux ambitions assez floues que nous avons terminé intégralement. Et dont l’on ressort un peu interloqué.

Test publié sur Puissance-Nintendo

Travis est de retour, et comme il le dit lui-même dès l’introduction "il y a une nouvelle génération de gamers" à qui il doit se présenter. Travis ne cessera d’ailleurs jamais de nous rappeler que nous sommes dans un jeu, cassant donc systématiquement le quatrième mur, cette distance qui sépare généralement un personnage de son auteur ou de sa condition d’œuvre créée. Pour tout dire, Travis EST Suda Goichi, son créateur, tandis qu’il se plaint de la possible réaction des joueurs face au jeu lui-même, à son style ou sa narration, ou encore de leurs attentes face au troisième épisode de la saga No More Heroes.

C’est un style, et Travis Strikes Again multiplie les effets de narration ou de genre pour nous surprendre, nous caresser dans le sens du poil, nous déstabiliser mais surtout tenter de garder notre attention.

Une console pour les gouverner toutes

Loin de son activité de tueur en série, Travis joue tranquillement à sa console dans sa caravane jusqu’à ce que le père d’une de ses anciennes victimes ne viennent réclamer sa vengeance. Les deux combattants sont aspirés dans la console de jeu et tombent dans un univers vidéoludique malade, des pixels inachevés aux bugs humanoïdes sous le joug de différents boss de fin de niveau. Même s’il prend un certain plaisir à découvrir des environnements faisant référence à différentes périodes du jeu-vidéo, Travis relève le défi de compléter ces niveaux pour assouvir sa soif d’en découdre.

Une histoire étrange sur la console et ses créateurs se dévoile certes en filigrane, via des fax que Travis reçoit entre chaque niveau, mais elle ne sera jamais vraiment aboutie, même le générique de fin passé. Il faudra plutôt se contenter de consulter le blog de Travis sous MS-DOS ou de lire avec délectation les tests des différents jeux de la Mark Drive III, scannés de faux magazines que l’on croirait issus des 90s.

Streets of Rage, Baby !

Aspiré dans le jeu vidéo, Travis doit tout d’abord en découdre avec Electric Thunder Tiger, un héros de jeu vidéo que Travis affectionne particulièrement. Dès l’écran titre du jeu, l’esprit est clairement 8 bits/16 bits avec un pixel art du plus bel effet. Une fois la partie lancée, on fait connaissance avec les mouvements du personnage au cours d’un tutoriel.

Le but est alors de progresser en éliminant des vagues d’ennemis, tout en ramassant le plus de pièces et bonus possible. Le level-design est sommaire, les décors dignes d’une PlayStation première du nom, mais pas encore de quoi être découragé pour autant. Tout au plus a t-on à faire à un jeu d’action raccord avec les standards de l’époque, catégorie nanar.

Beaucoup de couloirs, de pièges basiques, et encore et encore des hordes d’ennemis désarticulés. Ce premier terrain de jeu est l’occasion d’apprendre les différentes attaques de Travis, qu’elles soient faibles, fortes, sautées ou spéciales, comme ces techniques que l’on ramasse ça et là sous forme de puces à attribuer à notre personnage dans son inventaire.

Le gameplay est donc plutôt simple et Travis est agréable à prendre en mains. Ses attaques consomment de l’énergie et il faut régulièrement recharger le katana en secouant la manette ou en jouant des sticks. Trois niveaux de difficultés peuvent être sélectionnés au début de la partie et modifiable à tout moment. En mode "salé" (comprendre "normal"), le katana se décharge très vite, ce qui est rapidement ennuyant. Le mode "sucré" ("facile") nous épargne sur ce point-là mais réduit considérablement la difficulté du jeu qui peut alors quasiment se faire en une traite. Les affrontements nous font gagner des points d’expérience à redistribuer dans notre barre de vie et d’endurance de temps en temps lorsque l’on atteint un certain pallier.

Après un affrontement plutôt lambda avec le boss, Travis gagne le droit de sortir du jeu. Mais son appétit insatiable (et parce qu’il faut bien qu’il y ait un jeu, une réflexion parmi d’autre que le titre aurait pu sortir) l’incite à aller chercher d’autres "Deathball", artéfacts à même de lui autoriser l’accès aux autres jeux de la console légendaire.

La fin d’un jeu est toujours l’occasion pour Travis de faire une petite introspection, et il ne nous épargne aucune réflexion !

Visual Novel... pourquoi !?

Au campement, Travis sélectionne sa moto pour accéder à une partie scénario réalisée façon Visual Novel sous micro-ordinateur.

L’idée est amusante, mais loin de ne durer que quelques instants, le jeu décide de véritablement nous compter une histoire de Travis sous cette forme pendant de longues minutes ! Délire total, ce type de séquence revient au début de chaque nouveau monde pour nous expliquer comment Travis obtient la Deathball à même de lancer le jeu suivant.

C’est notamment dans ces séquences de pur fan-service que les auteurs glissent quelques réflexions sur la nature du jeu lui-même ou de ses personnages. Combien le jeu obtiendra sur Metacritics ? Est-ce que la séquence narrative n’est pas un peu trop longue et ne va pas décourager le joueur qui pensait avoir acheté un jeu d’action ? Humour, cynisme, ou les deux, chacun tranchera.

Un pot pourri d’idées foutraques

Si je ne vais pas vous détailler chacun des sept niveaux afin de ne pas vous gâcher la surprise, il faut néanmoins faire un état des lieux. Les mondes étant tous basés sur la même structure, une certaine routine s’installe très rapidement, routine d’autant plus renforcée que la répétitivité est le maître-mot de l’aventure, et ce malgré les changements d’ambiance et de style. Où que l’on aille et quoi que l’on fasse, il s’agit toujours d’enchaîner les mêmes niveaux, qui ne connaissent que très peu d’évolutions.

Ainsi, après la séquence Visual Novel, Travis lance le jeu. Une présentation de l’univers se déroule en fonction de l’époque que le jeu va revisiter via une cinématique : Pixel Art, Full Motion Video, images de synthèse moches de l’ère PlayStation ou plus abouties dignes d’une PlayStation 3, toutes les époques du jeu vidéo sont représentées et feront sourire les connaisseurs comme laisseront sur le carreau les plus jeunes d’entre vous.

Puis vient le jeu lui-même où l’on incarne Travis vu de haut ou de profil, selon différents angles propres à chaque mise en scène selon l’hommage choisi. Hot Line Miami, Resident Evil, ou même un jeu de Suda51 lui-même, chaque époque du jeu vidéo est passée en revue.

Des couloirs, encore des couloirs, des pièges toujours aussi basiques, des étages dont les portes se débloquent les unes après les autres. L’effort porté sur le level-design est minimal et fait tout de même un peu de peine. Le summum engagé est un va-et-vient de portes à actionner avec des interrupteurs dans le dernier monde. On aurait pu s’attendre à mieux, même pour un jeu qui se revendique de la scène indépendante.

Est-ce que c’est amusant pour autant ? Pas vraiment. On imagine sans peine que l’aventure partagée à deux est toujours plus engageante, mais force est de constater que dès que l’ambiance du niveau est découverte, la progression n’arrive pas à maintenir notre enthousiasme bien longtemps.

Mini-jeux en trompe l’œil

C’est sans doute pour cette raison que, pour pallier l’ennui, des séquences totalement différentes viennent s’alterner au sein même des niveaux. Dans chaque monde, on alterne en effet entre les séquences où l’on dirige Travis, et d’autres où le gameplay peut changer de tout au tout. On peut selon les séquences parler carrément de mini-jeux.

Déjà présentés dans ma preview, le labyrinthe du deuxième monde et la séquence de course du quatrième ont le mérite d’être originaux. Seulement mon doute quant à leur variété ou même leur marge de progression tout au long du niveau s’est confirmé. Le premier reste vraiment trop simple même sur la longueur et ne fait que renforcer le sentiment de répétition.

Quant au deuxième, il peut satisfaire les aficionado de simulation quelques instants, mais reste profondément enquiquinant pour les autres.

Certains mini-jeux ne sont autre que de nouvelles phases de plateformes, qui ne font qu’écho à la progression déjà terriblement banale de l’ensemble.

Même si cela me démange de faire tomber le peu de mystère qu’il reste autour d’un jeu qui ne cesse de nous mener en bateau, je ne dirai rien des cinquième et sixième niveaux. Passé la surprise, l’un est une belle fumisterie, et malgré les espoirs l’autre est tout simplement une déception. Le dernier monde ne fait rien malheureusement rien pour relever le niveau, même au niveau narratif où beaucoup de choses sont laissées en plan.

Un nouveau pied de nez punk ou l’annonce de résolutions dans les DLC d’ores et déjà prévus ? A vrai dire, il n’y a pas que les scénaristes qui s’en moquent.

Faut-il prendre au sérieux Travis Strikes Again ? Non, pas une seconde. Mais même avec cet état d’esprit et un univers complètement délirant, le jeu lui-même s’avère profondément ennuyant. Il est dommage que toutes les idées proposées, originales au demeurant, n’aient pas été poussées plus loin au niveau du level-design ou de la réalisation. Reste un petit jeu qui peut se faire au coin d’une table, si possible à deux.